Marie Rose Moro, entretiens avec Joanna Peiron et Denis Peiron (éditions Bayard, 18 €)
Une fois n’est
pas coutume sur ce blog, pas de poésie - même si ses habitués retrouveront des
thèmes familiers comme ceux de l’identité, de l’exil et de la mémoire - mais
l’annonce de la parution aux éditions Bayard d’un livre d’entretiens que Joanna
Peiron et moi-même avons réalisé avec la pédopsychiatre Marie Rose Moro,
directrice de la Maison de Solenn (Maison des adolescents de l’hôpital Cochin,
à Paris). Intitulé Enfants de l’immigration, une chance pour l’école, il
se veut une réponse à la polémique qu'avait lancée au
printemps dernier Claude Guéant en attribuant aux élèves immigrés les
deux-tiers de l’échec scolaire.
Nous avons voulu, en cette période électorale marquée par
des déclarations visant à cliver la société, montrer comment l'école pourrait offrir
davantage de chances de réussite aux enfants de migrants. Nous avons aussi
voulu souligner que leur présence dans les classes pourrait bénéficier
davantage à tous les élèves, qu'il s'agisse de l'apprentissage linguistique ou
du développement de compétences interculturelles, indispensables dans notre
monde contemporain.
Voici l'introduction de ce livre :
A l’école de
la diversité
Et si la
perspective pouvait changer ? Si on cessait de voir comme un problème la
présence au sein de l’école française d’un nombre croissant d’enfants de
l’immigration, qu’ils aient eux-mêmes migré, parfois seuls, ou bien qu’ils
soient nés ici, chez eux, de parents venus d’ailleurs ? Certes,
globalement, ces élèves sortent plus souvent que les autres du système scolaire
sans qualification. Mais si on prend en compte les statistiques effectuées en
fonction des régions d’origine, on s’aperçoit que les enfants de migrants
d’Asie du Sud-Est obtiennent plus souvent le baccalauréat et sont davantage
diplômés du supérieur que leurs camarades issus de familles autochtones. Comme
le confirme l’exemple de l’Australie, où les enfants de migrants appartenant
aux deux premières générations réussissent mieux que les autres écoliers, les
difficultés scolaires n’ont rien d’une fatalité. D’autant que les élèves issus
de l’immigration sont souvent portés par les désirs de leurs parents, qui
aimeraient les voir poursuivre de longues études et croient davantage que les
autres en une école qui a gravé à son fronton la devise de l’espoir :
« Liberté, égalité, fraternité ».
A quoi tient, dès lors, l’échec scolaire
que nombre d’entre eux rencontrent ? A des facteurs
socio-économiques, qui en France expliquent 17 % des écarts de résultats entre
élèves, s’agissant de la compréhension de l’écrit. A des facteurs culturels,
aussi, dans une large mesure. Il est temps aujourd’hui de l’admettre, non pour
stigmatiser ces enfants et les rendre coupables d’une situation qui les
pénalise mais pour y remédier, en les aidant à dépasser leurs propres
inhibitions, en luttant contre les discriminations, en reconnaissant la dignité
et la légitimité de leurs parents. A ce jour, rares sont les dispositifs
qui s’adressent spécifiquement aux enfants de migrants, à l’exception des
classes d’accueil destinées aux primo-arrivants. Çà et là émergent des projets
à la seule initiative d’enseignants motivés. Mais l’école, attachée au principe
d’une égalité qui trop souvent demeure abstraite, ne développe aucune approche
coordonnée. Pire : tout en étant animée par les meilleures intentions du
monde, elle s’enferme dans des idées reçues. Les enfants de migrants feraient
baisser le niveau des classes. Ils seraient source de violence au sein des
établissements. Ils devraient renoncer à la langue de leurs parents pour
maîtriser le français et occulter leur histoire pour s’investir dans les
apprentissages…
Dans cet
ouvrage d’entretiens, la pédopsychiatre Marie Rose Moro, directrice de la
Maison de Solenn, ouvre des pistes concrètes pour mieux connaître et enseigner
le fait migratoire par-delà les clichés misérabilistes, au besoin en s’inspirant
des Etats-Unis, autre grand pays d’accueil, qui associe souvent à la figure de
l’immigré les notions de liberté, de courage et d’initiative. Au fil des pages,
elle pose aussi les bases d’une éducation à la diversité, préconisée de longue
date par les instances européennes et qui mettrait véritablement en application
les principes républicains. Objectif : permettre au système scolaire de
remplir pleinement sa mission première, transmettre des savoirs et des
compétences à l’ensemble de ses élèves. C’est à cette condition seulement qu’il
aidera les enfants de migrants à trouver leur place dans la société française.
L’école devrait plus qu’elle ne le fait aujourd’hui contribuer à leur réussite.
Les enfants de l’immigration, eux, pourraient davantage encore constituer une
chance pour l’école.
Assumée et
valorisée, la diversité constitue un atout. Sensibilisés à la différence
culturelle dans le cadre d’une vraie formation humaniste, les professeurs
seraient mieux à même d’enseigner à tous les élèves présentant des besoins
spécifiques, qu’ils soient liés à un handicap, au statut social ou encore
à la situation familiale. Pour peu que le bilinguisme soit encouragé et que
l’attachement au pays d’origine cesse d’être interprété comme un manque de
loyauté, les enfants de migrants pourraient montrer la voie à leurs camarades
et les aider à développer des compétences linguistiques et interculturelles
indispensables – y compris d’un point de vue professionnel – dans un monde qui
est et sera de plus en plus ouvert.
Fille
d’immigrés espagnols de condition très modeste devenue professeure à
l’Université Paris Descartes, Marie Rose Moro reste très attachée à cette école
française qui a fait d’elle une citoyenne du monde engagée contre les
injustices. Auteur de nombreux ouvrages consacrés notamment à la psychiatrie
transculturelle, elle reçoit en consultation de nombreux enfants de migrants en
proie à l’échec scolaire et continue d’intervenir régulièrement auprès des
personnels de l’Education nationale dans le cadre de formations à la diversité.
Elle livre ici sur l’école et l’immigration un point de vue courageux, lucide
et constructif. Elle trace les contours d’un projet susceptible de donner aux
enseignants un espoir, un élan, une fierté un peu oubliée, celle de faire réussir
aussi des enfants qu’on aurait pu croire d’avance condamnés.
Joanna Peiron et Denis Peiron
Marie-Rose Moro est pédopsychiatre, psychanalyste. Chef de file de l'ethnopsychanalyse et de la
psychiatrie transculturelle en France, psychiatre au sein de l'ONG Médecins sans frontières, elle dirige la Maison de Solenn, la maison des adolescents de l'hôpital Cochin, à Paris. Elle a publié de nombreux ouvrages, notamment Les ados expliqués à leurs parents (éd. Bayard, 2010) et Nos enfants demain. Pour une société multiculturelle (éd. Odile Jacob, 2010).
Denis Peiron est chef du service Société, en charge de l'éducation au journal « La Croix ». Il a longtemps travaillé comme correspondant pour la presse écrite et la radio en Pologne puis à Marseille. Il a notamment publié Blancheur de l'exil (préface de Marc-Alain Ouaknin, éd. Caractères, 2004) et traduit de l'allemand Constellation en fugue, de Christian Uetz (éd. L'Oreille du Loup, 2008).
Joanna Peiron est journaliste, essayiste et formatrice. Elle travaille essentiellement pour Le Journal de l'action sociale, Le Ligueur (Bruxelles) et le groupe Charaktery (Pologne). Elle a publié Gombrowicz, écrivain et stratège - un auteur "excentrique" face à la France (éd. L'Harmattan, 2002) et a co-dirigé l'ouvrage Identité en métamorphose dans l'écriture contemporaine (Publications de l'Université de Provence, 2006).
La presse en parle
Marie Rose Moro invitée d'
Emmanuel Davidenkoff, le 24 février 2012, sur
France Info
Marie Rose Moro invitée de
Rue des écoles, le 22 février 2012, sur
France Culture
Scolarité des enfants de
migrants: "changer les vulnérabilités en force", entretien de Marie Rose Moro à l'AFP, le 22 février 2012.
La pédopsychiatre et psychanalyste Marie Rose
Moro
, qui publie jeudi un livre d'entretien intitulé "
Enfants de
l'immigration, une chance pour l'école" (Bayard), assure qu'il est
possible d'offrir davantage de chances de réussite scolaire aux enfants de
migrants, dans une interview à l'AFP.
En quoi faut-il changer de perspective sur la scolarité des
enfants de migrants?
"
Par ma propre expérience scolaire, j'explique que si
l'on considère comme des atouts ce qui est souvent perçu comme des
vulnérabilités, alors les enfants de migrants peuvent avoir le même accès au
savoir que les autres. En effet, mon milieu familial modeste et le fait que la
langue parlée à la maison était l'espagnol auraient pu être des obstacles mais
mes instituteurs les ont considérés comme un plus, une force (avoir deux langues,
connaître deux histoires) au lieu de chercher à les effacer, et j'ai ensuite pu
faire de longues études. Mais je ne raconte pas mon histoire pour raconter mon
histoire, je pense que la réussite nous donne une responsabilité éthique et
humaine".
On peut donc aider les enfants de migrants à réussir à l'école?
"
J'ai voulu répondre à cette affirmation mensongère que
l'échec scolaire était lié au fait d'être des enfants de migrants. Non. De tout
temps, cet échec a été lié à des vulnérabilités sociales et des discriminations
culturelles, mais surtout aux préjugés qui y sont liés. Ainsi, quand il arrive
dans une école, on va valoriser l'enfant qui parle l'anglais en lui disant
+Quelle chance!+, mais s'il parle le soninké, l'arabe ou le soussou, c'est-à-dire
surtout les langues des migrations actuelles, on va lui dire +Tu n'as pas de
chance, il va falloir que tu arrêtes de parler cette langue-là pour apprendre
le français+. Eh bien non! On apprend d'autant mieux une langue seconde qu'on
parle bien sa langue première et qu'on en est fier. Toutes les études
linguistiques et psychologiques le montrent depuis un demi-siècle".
Les enseignants d'aujourd'hui ont-ils cette vision qu'avaient vos
instituteurs des Ardennes, et que prônez-vous pour qu'ils l'aient?
"
Il faut lutter contre les préjugés. S'il y a plein
d'enseignants sensibilisés individuellement à la diversité culturelle et
linguistique, dans l'institution ce n'est pas valorisé. Une des clés, c'est la
formation. Il faut sortir réellement de la notion de hiérarchie des langues et
des cultures, via des connaissances anthropologiques ou linguistiques
introduites dans la formation initiale et continue des enseignants. Ensuite, il
faut faire en sorte que l'Ecole soit plus proche de cette diversité, via des
enseignants issus de toutes les origines culturelles comme le recommande
l'Union européenne, mais surtout en généralisant les expériences efficaces. En
particulier permettre à la rentrée des classes que des traducteurs fassent le
lien entre des parents qui ne parlent pas français et les enfants, car ceux-ci
se sentent alors bien accueillis et cela diminue leurs difficultés".
Propos recueillis par Emmanuel DEFOULOY
"Les enfants de l'immigration, une chance pour l'école", article de Jean-Baptiste François paru dans
La Croix le 24 févier 2012.
Les enfants de l'immigration, une chance pour l'école
Dans un livre paru jeudi 23 février, la pédopsychiatre Marie-Rose Moro
s’entretient avec Joanna Peiron et Denis Peiron, journaliste à « La
Croix »
"Les deux tiers des échecs scolaires, c’est l’échec d’enfants d’immigrés",
lançait le 26 mai 2011, sur Europe 1, le ministre de l’intérieur Claude Guéant, preuve, selon lui, que
"l’intégration ne va pas si bien que ça".
Un diagnostic contre lequel s’élève la directrice de la Maison des
adolescents de l’hôpital Cochin (Paris) dans un livre en forme de grand
entretien avec Joanna Peiron et notre collaborateur Denis Peiron, en
charge des questions d’éducation à
La Croix
.
La part des enfants d’étrangers, parmi les élèves sortis du
système éducatif sans qualification, représente plutôt 16 % des élèves,
selon l’Insee. Alors, oui, l’échec scolaire est bien surreprésenté parmi
ces populations. Mais, pour Marie-Rose Moro, cette situation est le
résultat des occasions manquées par l’école de convertir les différences
culturelles en atout. Certes, les enfants primo-arrivants ont la
possibilité de passer quelques mois dans des classes d’adaptation. Mais
les personnels situés en dehors de ce dispositif ne bénéficient ni de
formation de base sur les phénomènes migratoires ni de notions
ethnologiques. (...)
Jean-Baptiste François
Lire la suite sur
la-croix.com
"Enfants de l'immigration, une chance pour l'école" ? Réflexions de la psychanalyste Marie Rose Moro, dépêche de Soazig Le Nevé parue dans l'AEF, le 22 février 2012.
« Et si la perspective pouvait changer ? Si on cessait de voir comme un problème la présence au sein de l'école française d'un nombre croissant d'enfants de l'immigration, qu'ils aient eux-mêmes migré, parfois seuls, ou bien qu'ils soient nés ici, chez eux, de parents venus d'ailleurs ? », interrogent Denis et Joanna Peiron, en introduction de leur ouvrage d'entretiens avec la psychanalyste Marie-Rose Moro, intitulé « Enfants de l'immigration, une chance pour l'école » à paraître jeudi 23 février 2012 (Bayard éditions). « Il ne faut pas hésiter à recourir à de la discrimination positive pour faire émerger de grandes figures issues de la diversité auxquelles les enfants de migrants pourront s'identifier », affirme la psychanalyste. Selon l'Insee, les immigrés et descendants d'immigrés de la première génération représentent aujourd'hui 11,8 millions de personnes, soit un cinquième de la population résidente en France. (...)
Soazig Le Nevé
Marie Rose Moro invitée du
Grand journal de Michel Field, mardi 6 mars à 19h30, sur LCI.
La révoltée Marie Rose Moro, par Marie Depleschin, paru dans l'Express Styles du 7 mars 2012
Elle est psychiatre, psychanalyste, docteur en médecine et en
sciences humaines. Elle est aussi, et surtout, une femme en empathie
avec les enfants en souffrance. Portrait, par Marie Desplechin.
Tout est dans le sourire, le regard, l'arrondi du visage. Il y a quelque chose, chez Marie Rose Moro,
d'une petite fille curieuse, enthousiaste et combative. Il faut croire
que passer son existence à travailler avec et pour les enfants préserve
de faner. A moins qu'une enfance heureuse garantisse une inusable
jouvence.
L'enfance heureuse se déroule dans l'est de la France où ses
parents se sont installés au début des années 1960. Leur fillette, née
en Espagne, apprend le français à l'école. Portée par les attentes de
ses enseignants et de ses parents, tous deux analphabètes, Marie Rose
étudie, en parallèle, la médecine et la philosophie. La médecine lui
permet d'honorer le "mandat paternel". Elle répond aussi du désir très
personnel "de guérir et de comprendre". La philosophie porte l'espoir
"d'accéder à l'universel, de comprendre comment les valeurs se
construisent".
Une spécialisation en psychiatrie lui permet
de concilier l'art chamanique de guérir et la volonté intellectuelle de
"trouver les clefs". Elle s'oriente vers la psychiatrie des enfants et
des adolescents. "Chez l'adulte, dit-elle, on peut consoler, mais on ne
peut plus transformer le rapport au monde. Les enfants, eux, ont une
capacité extraordinaire à cicatriser. On peut changer les destins."
Alors qu'elle fait son internat à l'hôpital Avicenne de Bobigny, elle rencontre Tobie Nathan, qui introduit en France la psychiatrie transculturelle. Serge Lebovici,
grande figure de la psychiatrie pour les enfants, l'accepte pour élève.
C'est entre ces deux extrêmes apparents que se tiendra désormais sa
pratique: penser ensemble le plus intime de la psyché et le plus divers
de l'humanité. Logique avec elle-même, elle suit dans le même temps un
enseignement en anthropologie et se forme à la psychanalyse. Marie Rose
Moro ou l'art de métisser les savoirs.
Ce parcours a beau être exemplaire, il ne dirait pas
grand-chose de celle qui l'accomplit si on oubliait l'énergie qui le
nourrit: la révolte. Elle découvre à l'hôpital comment sont traités les
migrants: "Sans aucune écoute et à grand renfort de préjugés. Ils
n'avaient pas accès à la parole." La suffisance et l'ignorance qui
prévalent pour les adultes s'exercent d'une manière aussi violente sur
leurs enfants. Marie Rose, née Maria del Rosario, sait au nom de quoi et
pour qui elle s'engage quand elle prend la responsabilité du service de
psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent à Avicenne. Elle ouvre une
consultation transculturelle. Elle se sait en dette: "Il est important
pour moi de rendre ce que j'ai reçu."
Dans le livre d'entretiens paru en février chez Bayard (Enfants de l'immigration, une chance pour l'école),
elle ajoute, en écho: "Le savoir engage ceux qui y accèdent." A sa
manière, illustrée d'anecdotes, elle raconte son expérience de l'école
pour mieux plaider la cause des enfants des migrants. La démonstration
est d'autant plus claire que son auteure n'a aucune prétention à en
imposer. Les révoltes de Marie Rose Moro ne sont pas de posture. Elle
entend changer le cours des choses et s'en donne les moyens. Dans un
monde hiérarchisé et masculin, on ne s'impose pas par hasard. "Il faut
se battre, dit-elle sereinement. Mais j'aime ça."
Tout en consultant toujours à Avicenne, elle est depuis trois ans chef de service à la maison des adolescents de Cochin, la Maison de Solenn. Elle a pris le relais de Marcel Rufo
pour gouverner ce grand bateau de métal et de verre où des jeunes gens
malheureux retrouvent les moyens de se construire. De la même façon
qu'elle s'est démenée pour faire entendre les voix étouffées des enfants
de migrants, elle demande qu'on écoute les adolescents, trop vite
renvoyés à leur "crise".
A l'entendre, on se dit qu'elle s'est engagée
dans une lutte toute personnelle contre la souffrance. Au lendemain du
tremblement de terre de 1988, elle a rejoint Médecins sans frontières pour soigner les blessures psychiques des Arméniens. "C'était à leur
demande. Il fallait un psychiatre qui ne fasse pas peur, un psychiatre
qui ne ressemble pas à un psychiatre." Elle s'implique auprès des
enfants et des adolescents, "doublement touchés par la catastrophe
puisque leurs parents ne pouvaient pas s'occuper d'eux". Depuis,
toujours avec MSF, elle coordonne les recherches en psychiatrie dans les
situations de catastrophe humanitaire.
Il faudrait dire encore qu'elle enseigne à l'université, est chercheuse à l'Inserm, travaille avec des équipes partout dans le monde, dirige la revue L'Autre,
a écrit une douzaine de livres à ce jour, tient un blog... Et, oui,
elle a une famille. "Je travaille trop, constate-t-elle tranquillement.
J'ai cette inquiétude permanente de vouloir tout faire, tout organiser.
Je pense maintenant que c'est un défaut. Mais c'est le prix à payer..."
Il y a longtemps pourtant que Marie Rose Moro a fini de rembourser. On
se dit alors qu'elle investit dans le monde à venir, qu'on voudrait
croire, avec elle, meilleur qu'il ne l'est aujourd'hui.
Szkoła – miejsce dla wielu kultur (L'école, lieu de nombreuses cultures), un article de Marie Rose Moro et Joanna Peiron paru en mars 2012 dans le mensuel polonais Psychologia w szkole (Psychologie à l'école).
"Enfants de l'immigration, une chance pour l'école" ?, par Claude Lelièvre, paru sur Mediapart, le 9 mars 2012.
«Les deux tiers des échecs scolaires, c’est l’échec d’enfants immigrés»,
avait balancé le ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, le 26 mai
2011. Un «diagnostic»’ clairement démenti et retourné par Marie-Rose
Moro dans ce livre en forme de grand entretien.
On le sait, les
statistiques de l’INSEE, en désaccord formel avec l’affirmation de
Claude Guéant, évaluent à 16% la part des enfants d’étrangers parmi les
élèves sortis du système éducatif sans diplômes et/ou qualification.
Certes, l’échec scolaire est bien sur-représenté parmi eux. Mais Marie-Rose Moro soutient dans ce livre au titre renversant ( «
Enfants de l’immigration, une chance pour l’école
» qui vient de paraître aux éditions Bayard ) que cette situation est
le résultat – au moins pour une part – des occasions manquées par
l’école de convertir les différences culturelles en atout.
Fille
d’immigrés espagnols devenue professeure à l’Université Paris Descartes
et directrice de la Maison des adolescents de l’hôpital Cochin à Paris,
Marie-Rose Moro reçoit en consultation de nombreux enfants de migrants
en proie à l’échec scolaire et intervient régulièrement auprès des
personnels de l’Education nationale dans le cadre de formations à la
diversité. Elle a écrit de nombreux ouvrages consacrés principalement à
la psychiatrie transculturelle.
Dans cette période électorale
marquée par des déclarations visant à cliver la société, Marie-Rose Moro
a voulu montrer ( en collaboration avec Joanna Peiron, journaliste
spécialisée en sciences humaines, et Denis Peiron, en charge de
l’éducation au quotidien «
La Croix » ) comment l'école
pourrait offrir davantage de chances de réussite aux enfants de
migrants. Elle a aussi et surtout voulu mettre en valeur que leur
présence dans les classes pourrait bénéficier davantage à tous les
élèves, qu'il s'agisse de l'apprentissage linguistique ou du
développement de compétences interculturelles, manifestement
souhaitables dans notre monde contemporain.
Marie Rose Moro, Denis Peiron et Saber Mansouri
invités de Christophe Henning, dans l'émission Grand Angle,
diffusée le 13 mars 2012 sur RCF
Enfants de l'immigration : une chance pour l'école, par François Jarraud, paru le 15 mars 2012 dans le Café pédagogique.
Ce livre est d'abord l'histoire d'une petite fille immigrée espagnole
dans un petit village de l'est, qui se sent une dette envers l'école
française qui lui a permis de devenir pédopsychiatre et directrice de la
célèbre Maison de Solenn à Paris. Parce que, pour Marie Rose Moro, "le
savoir engage ceux qui y accèdent" et que, depuis sa toute petite
enfance, elle a un sacré sens de ce qui est juste.
C'est aussi celui d'une pédopsychiatre
qui suit au quotidien les difficultés de certains enfants issus de
l'immigration à l'école. Et qui sait qu'on peut les aider à condition
d'accepter la diversité dans l'école. Spécialiste de l'ethnopsychanalyse
et de la psychiatrie transculturelle, Marie-Rose Moro montre dans ce
livre que la reconnaissance de la diversité à l'école bénéficie à tous.
Loin d'être un "problème", les enfants issus de l'immigration ont des
choses à transmettre. Ils peuvent être une chance pour tous les enfants
de mieux se préparer à un monde globalisé et divers et aussi de mieux
maîtriser sa propre culture par le détour de la diversité culturelle.
Ce n'est évidemment pas par hasard que ce livre sort en ce moment.
Alors que la campagne du candidat de droite penche vers l'extrême
droite, que le ministre de l'éducation veut réduire le nombre de langues
vivantes au bac, le livre de Marie Rose Moro est celui d'un autre
possible. Oui l'école française peut s'appuyer sur les enfants issus de
l'immigration. Oui on peut lutter contre les préjugés et les
stéréotypes. Oui le vivre ensemble peut l'emporter. Ce livre, qui se lit
très facilement, est un formidable plaidoyer pour une autre école, une
autre France et un autre avenir.
Marie-Rose Moro, Enfants de l'immigration,
une chance pour l'école, Entretiens avec Joanna et Denis Peiron, Bayard,
2012, 180 pages.
Lire la totalité du dossier, avec une interview de Marie Rose Moro sur le site du Café pédagogique
«Pour une discrimination positive», un entretien avec Marie Rose Moro paru le 10 avril 2012 dans La Liberté de Fribourg.
Marie Rose Moro est pédopsychiatre, psychanalyste, cheffe de file de l’ethnopsychanalyse et de la psychiatrie transculturelle en France.
Elle
fait l’objet d’un livre d’entretiens, «Enfants de l’immigration, une
chance pour l’école» qui vient de paraître aux éditions Bayard. Entretien.
L’école peut-elle vraiment participer à l’intégration des enfants issus de l’immigration?
Marie Rose Moro:
C’est ce qu’elle a fait avec moi! Fille d’immigrés espagnols, je ne
parlais que l’espagnol quand j’ai commencé l’école. J’ai eu la chance de
tomber sur un instituteur qui avait une vraie tolérance pour la
singularité des élèves. Il n’avait pas peur des différences, il
travaillait avec. Il savait jongler avec l’unité du groupe classe et
l’unicité des élèves. Je n’étais pas destinée à faire des études
supérieures et pourtant j’ai rencontré sur mon chemin des enseignants
qui ont su voir au-delà du déterminisme social. Ils m’ont laissé le
choix.
Pourquoi l’école n’y arrive-t-elle plus?
Déjà,
l’école accueille mal. Les parents issus de l’immigration croient à la
réussite par l’école. Mais ils ne sont pas intégrés dans le processus
d’éducation de leur enfant. En France, on est très mauvais sur les
questions linguistiques. On ne reconnaît pas la diversité linguistique,
vécue comme un obstacle, alors on ne travaille pas sur le passage d’une
langue à l’autre. Ce faisant, on favorise les regroupements
communautaires. Par ailleurs, les enfants issus de l’immigration
souffrent de discrimination au moment des orientations professionnelles:
ceux qui ont des difficultés scolaires se retrouvent plus souvent que
les autres orientés vers des filières courtes et des métiers qui ne leur
font pas envie.
Qu’aimeriez-vous demander au futur président de la République?
Un
vœu en faveur d’une discrimination positive! J’aimerais que l’école
ouvre les voies de la réussite aux enfants de migrants, en fixant des
quotas pour les classes européennes, les grandes écoles, etc. Pour avoir
envie de réussir, les enfants issus de milieux modestes et originaires
de zones défavorisées ont besoin d’exemples. De belles histoires. Et
puis il faudrait investir dans les apprentissages fondamentaux, la
lecture, l’écriture. Les enfants issus de l’immigration ne doivent pas
apprendre à lire a minima. J’aimerais qu’on réfléchisse aussi à ce dont
ces enfants auraient besoin pour être heureux. Tout simplement.
Recueilli par Véronique Chatel
À l’école de la diversité, paru dans L'Humanité le 13 avril 2012
Marie-Rose Moro. Enfants de
l’immigration, une chance pour l’école. entretien avec Joanna et Denis
Peiron éditions Bayard, 2012, 178 pages, 18 euros.
En mai dernier, le ministre de l’Intérieur assurait que deux tiers
des échecs scolaires en France étaient le fait des enfants d’immigrés.
Statistique invérifiable et non fondée, mais l’opprobre était jetée…
Comme une réponse intelligente à ces petites phrases fétides, ce livre
d’entretiens avec la pédopsychiatre et psychanalyste Marie-Rose Moro
prend le temps de la réflexion, de l’analyse et du débat. Les auteurs
recueillent d’abord les souvenirs
d’enfance de cette fille de migrants espagnols. Aujourd’hui, Marie-Rose
Moro, chef de file de l’ethnopsychiatrie en France, reçoit de nombreux
enfants de migrants en proie à l’échec scolaire dans ses consultations.
Elle ouvre, ici, des pistes de réflexion pour une école ouverte à la
diversité et à l’altérité, où les enfants de migrants seraient, enfin,
une chance.
M. B.
Enfants de l'immigration, une chance pour l'école, paru en mai 2012 dans
Les Cahiers pédagogiques
Dans ce livre d’entretiens avec deux journalistes, l’auteure,
pédopsychiatre, fait part de son parcours personnel et professionnel et
surtout, à contre-courant de bien des idées reçues, nous présente un
plaidoyer pour le bilinguisme et un message d’optimisme quant à
l’intégration des enfants
« venus d’ailleurs ».
L’auteure est pédopsychiatre et est une des chefs de file de
l’ethnopsychanalyse. Dans ce livre d’entretiens avec deux journalistes,
elle fait part de son parcours personnel et surtout, à contre-courant de
bien des idées reçues, nous présente un plaidoyer pour le bilinguisme
et un message d’optimisme quant à l’intégration des enfants
« venus d’ailleurs ».
Marie-Rose Moro est bien un exemple d’intégration réussie, elle qui,
fille d’Espagnols, est arrivée dans les Ardennes très jeune et a eu un
parcours scolaire brillant, mais qui n’a jamais impliqué un renoncement à
son identité d’origine. Elle écrit :
« l’école a fait de moi une citoyenne, mais une citoyenne cosmopolite, inscrite dans l’Europe et dans le monde » sans qu’on ait eu besoin de lui transmettre une quelconque « identité nationale ».
Mais ce livre s’appuie d’abord sur l’expérience professionnelle de
l’auteure et tombe à pic, dans une période où l’on a plutôt tendance à
considérer l’immigration comme un problème, où semble revenir au premier
plan l’idéologie de l’assimilation, au sens de renoncement aux
origines, et en particulier à sa langue maternelle (ce que condamne
l’auteure, lorsqu’elle évoque par exemple le rapport Benisti, qui évoque
le bilinguisme des enfants issus de l’immigration comme très négatif).
Pour Marie-Rose Moro, la reconnaissance de la diversité est une
chance. Saurons-nous tirer parti du désir d’ascension sociale de bien
des familles issues de l’immigration, de l’opportunité d’un plus grand
développement cognitif rendu possible par le maniement de plusieurs
langues ? L’exemple grenoblois de « l’arbre à langues » en est une
belle illustration. De même, parviendrons-nous à former à la diversité
(et déjà à reconnaitre sa propre diversité) le corps enseignant, ce qui
implique en premier lieu le retour à une véritable formation ?
Jean-Michel Zakhartchouk
Enfants d'ailleurs, école meilleure ?,
paru en mai 2012 dans Elle .
Dans un livre coup de poing, la psychanalyste Marie Rose Moro bouscule les clichs : les élèves issus de l'immigration sont une chance pour leurs camarades... et pour l'école de la République
Ce qu'elle affirme sonne comme une provocation et c'est le titre de son nouvel ouvrage : "Enfants de l'immigration, une chance pour l'école"* Une chance ? Alors qu'on a coutume d'y voir un problème, une multitude de problèmes ? "Les difficultés existent, convient Marie Rose Moro, mais, au lieu de rendre ces enfants coupables et de les stigmatiser, il faut remédier à cette situation. C'est possible. Et nécessaire pour que l'ensemble de ces élèves et toute la société s'en trouvent mieux." Vive et chaleureuse, souriante, empathique, Marie Rose Moro, psychiatre et psychanalyste, est sans doute aussi une chance pour les adolescents qui vont mal et qui aboutissent à sa consultation. (...)
*Entretiens avec Joanna et Denis Peiron (Bayard)
Enfants d'immigration : halte aux clichés,
paru dans le
Nouvel Obs, le 21 mai 2012
Après
la performance exceptionnelle de la candidate du Front national à
l’élection présidentielle et un quinquennat marqué par les débats sur
l’identité nationale et les saillies de Claude Guéant, il
devient urgent de s’emparer du livre d’entretiens avec Marie Rose Moro.
Cette pédopsychiatre, fille d’immigrés espagnols devenue professeure à
l’Université Paris Descartes et directrice de la Maison des adolescents
de l’hôpital Cochin à Paris, ouvre des pistes concrètes pour mieux
connaître et enseigner le fait migratoire. Au fil des pages, elle pose
surtout les bases d’une éducation à la diversité. Et fait la peau à
quelques croyances trop ancrées. Comme celle qui consiste à voir le
nombre croissant d’enfants issus de l’immigration comme un problème. Il y
a peu, Claude Guéant laissait entendre que les deux tiers des échecs
scolaires étaient ceux d’enfants de migrants. Or, parmi les élèves
sortis du système éducatif sans qualification, ils sont en réalité 16%
selon l’Insee. Certes, statistiquement, ils sont plus touchés que les
autres : « Cela
tient notamment au fait que leurs parents sont proportionnellement plus
représentés que ceux des autres élèves parmi les ouvriers et les
artisans. Or le système éducatif français peine à atténuer les effets de
l’origine sociale »,
souligne Marie Rose Moro. Selon l’OCDE, la France est, après la
Nouvelle Zélande, le pays dans lequel la performance en compréhension de
l’écrit varie le plus en fonction du milieu socio-économique des
élèves. « Mais s’il est déterminant, le facteur social n’explique pas tout, poursuit-elle.
Beaucoup d’enfants de migrants sont placés dans une situation de
vulnérabilité en raison de leur appartenance à une minorité culturelle
qui n’est pas reconnue comme telle, pas valorisée ».
Alors, oui, on peut aider ces élèves à réussir à l’école. Pour peu que
le bilinguisme soit encouragé et que l’attachement au pays d’origine
cesse d’être interprété comme un manque de loyauté.
Fanny Weiersmuller
Enfant de l’immigration, une chance pour l’école, Marie Rose Moro, entretiens avec Joanna et Denis Peiron, Ed. Bayard, 18 euros.
Enfants de l'immigration, une chance pour l'école, paru en mai 2012 dans
Fenêtre sur cours, la revue du SNUipp-FSU.
Marie Rose Moro, spécialiste de la psychiatrie
transculturelle, livre son point de vue sur la place des enfants de
l’immigration à l’école. Une interview accordée à [fenêtres sur cours],
la revue du SNUipp-FSU.
« Enfants de l’immigration, une chance pour l’école* », fallait-il un livre pour s’en convaincre ?
Oui, parce qu’encore aujourd’hui dans un pays qui a une tradition
d’immigration ancienne comme le nôtre, on peut encore entendre que les
enfants de l’immigration sont le principal problème de l’école
française. Je fais référence ici aux propos du ministre Claude Guéant.
Mais s’il l’a dit explicitement, c’est qu’il s’y sentait autorisé car
cela correspond à des représentations sociales. Des personnes se sont
insurgées dans la presse mais ce débat est resté une affaire de
spécialistes et on n’a ni assisté à un tollé général dans le monde
social ni dans celui de l’éducation. Ce qui est inquiétant, c’est qu’une
opinion est devenue une évidence, un fait avéré. Le titre de ce livre
prend le contre-pied de cette fausse vérité.
Les enfants de l’immigration ne sont-ils pas des élèves comme les autres ?
Dans l’absolu, la meilleure chose que l’on puisse faire, c’est les
traiter comme les autres. Mais, ce n’est pas ce qui se passe. Ils ont
des compétences linguistiques que l’on ne leur reconnaît pas. C’est un
atout parmi d’autres que l’école ignore. Dans les familles migrantes, il
existe un désir de réussite plus grand mais qui ne se concrétise pas à
l’école. Ces enfants sont une chance pour les autres car ils
représentent une société moderne multiculturelle, l’occasion pour une
classe d’évoquer des questions historiques, géographiques, sociales,
internationales... Mais encore faudrait-il que la diversité soit
valorisée à l’école. On sait par ailleurs que la réussite scolaire est
corrélée au niveau social des familles. Pour les enfants qui sont loin
des codes de l’école, il faut une organisation, des moyens pour les
aider à les comprendre. Et quand ces enfants arrivent à avoir le désir
de la langue française, ils peuvent l’habiter et alors ils sont comme
les autres enfants. Or, un enfant en banlieue coûte moins cher qu’un
élève à Paris. On ne se donne pas les moyens de leurs donner ce désir de
langue.
Quelles sont les pratiques qui devraient être favorisées ?
Il faut d’abord introduire dans la formation des enseignants des
disciplines qui aident à changer leur regard sur ces enfants. La
linguistique mais aussi l’anthropologie, l’ethnologie, l’histoire sont
autant d’éléments qui permettraient aux enseignants de comprendre les
atouts de ces enfants ce qu’ils peuvent en faire. La question des
parents est aussi essentielle, il faut qu’ils viennent à l’école en
confiance, qu’ils s’y sentent bien. Il est aussi important que
l’institution soit le reflet de la société actuelle, les enseignants
doivent être issus de la diversité. Il faut développer la discrimination
positive. Les parents migrants doivent connaître les filières
d’excellence au même titre que les autres et une place doit être faite à
leurs enfants pour qu’ils puissent rentrer dans ces filières. Enfin, au
primaire, il est indispensable que les enfants sachent lire et écrire à
la sortie de l’école. Pour cela, il faut de petites classes dans
lesquelles on adapte si besoin des méthodes de Français langue étrangère
aux méthodes de lecture.
Vous insistez sur la chance qu’est le bilinguisme...
Les travaux sur la question montre que les enfants bilingues ont des
compétences métalinguistiques et cognitives plus grandes. Je plaide pour
que la pédagogie ne soit pas fermée aux travaux scientifiques qui
éclairent les pratiques. Les enseignants voient que les enfants peuvent
être en difficultés pour un certain nombre d’entre eux. Et c’est vrai
qu’il leur faut parfois quelques mois supplémentaires car le mécanisme
de passage d’une langue à l’autre peut être difficile pour certains
d’entre eux. Si un enfant ne maîtrise pas le sujet c’est peut-être que
dans sa langue le sujet n’existe pas. Cela nécessite une explicitation
plus grande mais qui sert à tous. La théorie du bain linguistique des
années 70 a montré ses limites. Depuis on sait que c’est dans un contact
actif à la langue que l’enfant peut se sentir capable de l’apprendre.
Et pour ça, on peut s’appuyer sur sa langue maternelle. A ne pas le
faire, on prend le risque que l’enfant se construise une image de lui
extrêmement négative et qu’il se sente incompétent. C’est sans doute la
pire des conditions pour apprendre.
Quelques réflexions que Marie Rose Moro développera sans doute à
l’occasion de la plénière d’ouverture de la prochaine université
d’automne du SNUipp.
* Marie Rose Moro, Enfants de l’immigration, une chance pour l’école, éd Bayard, 2012.
Enfants de l'immigration, la fin des clichés, paru le 28 mai 2012 dans
La Lettre du cadre.fr
Avec une Marine Le Pen dont les performances électorales sont
élevées, un ex-ministre de l'Intérieur qui se plante et s'entête dans le
maniement délicat des chiffres sur le lien entre échec scolaire et
immigration, il est plus qu'urgent de recourir à l'arme absolue, à
savoir la connaissance, seule capable de faire pièce à l'ignorance.
Le livre d'entretiens avec Marie Rose Moro est, dans ce registre, une
excellente mise en bouche. Cette pédopsychiatre, fille d'immigrés
espagnols devenue professeure à l'Université Paris Descartes et
directrice de la Maison des adolescents de l'hôpital Cochin à Paris,
invite notre société à découvrir ce qu'est réellement le fait
migratoire. Dès qu'une contrevérité est assénée, il faut la combattre
sans relâche. Claude Guéant laissait entendre que les deux tiers des
échecs scolaires étaient ceux d'enfants de migrants. Or, parmi les
élèves sortis du système éducatif sans qualification, ils sont en
réalité 16%, d'après l'Insee. Bien sûr, les enfants de l'immigration
sont plus exposés au risque de l'échec scolaire :
« Cela tient
notamment au fait que leurs parents sont proportionnellement plus
représentés que ceux des autres élèves parmi les ouvriers et les
artisans. Or le système éducatif français peine à atténuer les effets de
l'origine sociale », souligne Marie Rose Moro. L'OCDE a établi que
la France est, après la Nouvelle Zélande, le pays dans lequel la
performance en compréhension de l'écrit varie le plus en fonction du
milieu socio-économique des élèves.
« Mais s'il est déterminant, le facteur social n'explique pas tout, assure Marie Rose Moro.
Beaucoup
d'enfants de migrants sont placés dans une situation de vulnérabilité
en raison de leur appartenance à une minorité culturelle qui n'est pas
reconnue comme telle, pas valorisée ». Pourquoi ne pas oser le
bilinguisme, dispositif qui tombe sous le sens et qui permettrait à la
fois d'éviter un déracinement trop violent et une découverte progressive
de la culture de la terre d'accueil ? Certains diront que le contexte
politique n'y est pas favorable. On peut penser l'exacte opposée : à
l'heure où la stigmatisation des immigrés est maximale, il faut oser un
discours fort sur la richesse de la diversité, et pas seulement
incantatoire.
Enfant de l'immigration, une chance pour l'école, Marie Rose Moro, entretiens avec Joanna et Denis Peiron, Ed. Bayard, 18 euros
Enfants de l'immigration, une chance pour l'école, paru le 3 juillet 2012 sur le site de
La Cité nationale de l'histoire de l'immigration.
Marie Rose MORO, Entretiens avec Joanna et Denis Peiron, Paris, éditions Bayard, 2012.
Dans cet ouvrage paru sous forme d’entretiens, Marie Rose Moro,
pédopsychiatre, chef de file de l’ethnopsychanalyse et de la psychiatrie
transculturelle en France, propose de changer de regard et de
considérer la diversité au sein des salles de classe comme un atout : "si
on cessait de voir comme un problème la présence au sein de l’école
française d’un nombre croissant d’enfants de l’immigration, qu’ils aient
eux-mêmes migré, parfois seuls, ou bien qu’ils soient nés ici, chez
eux, de parents venus d’ailleurs ?".
En dix chapitres, Marie Rose Moro examine successivement la place des
différents acteurs de l’école d’aujourd’hui et leur rapport à la
diversité : professeurs, directeurs, personnels non enseignants, parents
et bien sûr élèves, les enfants migrants ou de parents immigrés
demeurant au cœur de la réflexion.
De manière assez inattendue dans ce type d’ouvrage, la psychanalyste
part de son propre vécu. Elle nous livre avec émotion ses souvenirs de
fille d’immigrants espagnols, arrivée dans les Ardennes à l’âge de neuf
mois, au début des années 1960. Ses parents fuyant le franquisme à la
recherche de meilleures conditions de vie ne maîtrisent pas la langue
française mais valorisent l’école et les chances de réussite et
d’ascension sociale qu’elle représente. Ces pages permettent de mieux
comprendre le parcours de l’auteure et au-delà de nombreuses générations
d’enfants migrants, résumé par la formule "
le savoir engage ceux qui y accèdent".
Un regard dans le rétroviseur de l’institution scolaire revient
quelques décennies en arrière, lorsqu’aucun débat scientifique ni
dispositif ne portait sur les enfants issus de l’immigration, malgré
l’implication de quelques enseignants qui "
avaient conscience du
rôle social que pouvait jouer l’école comme lieu de savoir et de
construction des liens, un lieu où s’élaborait le rapport à la société.
Ils avaient aussi compris que cette dernière était en train de changer
et que la migration faisait partie de ses évolutions majeures. (…) Ces
instituteurs ne considéraient pas que l’on se déshabille de ses
appartenances en entrant à l’école ni que l’on peut, du coup, faire
classe à tous les groupes de la même manière" (p.18-19).
Pour la psychanalyste, au regard de son expérience professionnelle à
l’hôpital Avicenne de Bobigny ou à la Maison de Solenn à Paris, exiger
avec les meilleures intentions, au nom de l’égalité ou par crainte de
stigmatisation, que les élèves oublient à la porte de l’école, toute
référence à leurs appartenances identitaires, culturelles ou
linguistiques est une gageure et peut même être vécu par les enfants
migrants comme un renoncement voire une trahison. Ce serait oublier que
l’identité de chacun est multiple, mouvante et représente une chance
pour l’école. Il s’agit donc pour tous les élèves, quel que soit leur
parcours, de "
reconnaître que la diversité linguistique et
culturelle est un atout et un facteur de créativité, (…) chercher à en
tirer profit, individuellement comme collectivement" (p.68).
C’est aussi dans cette perspective que l’auteure déconstruit un certain
nombre d’idées toutes faites. Elle revient sur la réussite des élèves
issus de l’immigration, portés par le fort désir de réussite scolaire de
leurs parents. Elle dresse un bilan pour le moins mitigé des
dispositifs ZEP ou de la réforme de la formation des enseignants et
défend les expérimentations de discrimination positive.
L’idée-force de l’ouvrage constitue un véritable plaidoyer pour une
éducation à la diversité. Sans remettre en cause le modèle républicain
scolaire français, son histoire et ses mérites, l’auteure avance
plusieurs mesures concrètes. Parmi elles, l’enseignement à tous niveaux
du fait migratoire : "
Il faut apprendre aux élèves que la migration
est un fait universel, qui a toujours existé, partout, même si certains
peuples ‘bougent’ plus que d’autres, même si notre époque se caractérise
par une accélération des flux migratoires" (p.87). La diversité
linguistique est également défendue ardemment avec plusieurs pistes de
mises en œuvre pédagogiques. C’est l’occasion de revenir sur un préjugé
quant aux supposés effets néfastes du bilinguisme : avoir une autre
langue maternelle que la langue française ne freine pas l’acquisition de
cette dernière, au contraire : "
c’est parce qu’on est à l’aise avec sa langue première qu’on s’investit sereinement dans la seconde" (p.117). Ainsi, "
le bilinguisme, en ce sens, est un facteur protecteur de la langue française" (p.118).
C’est ainsi que l’école accomplira mieux ses missions : permettre à
tous les élèves d’accéder aux savoirs, mettre en place des processus
d’apprentissage dans un climat serein, pour acquérir plus de libertés.
Peggy Derder
"Le réenchantement du monde ne réussira que par l'école", paru sur le Point.fr le 12 juillet 2012.
Pour la directrice de la Maison de Solenn, l'immigration est une chance pour le système scolaire français. Explications.
Et si on cessait de considérer les enfants de l'immigration comme la
source de tous les maux de l'école ? Marie-Rose Moro, pédopsychiatre et
directrice de la Maison de Solenn, Maison des adolescents de Cochin, reçoit en
consultation de nombreux enfants de migrants en proie à l'échec scolaire. Dans
Enfants de l'immigration, une chance pour l'école (Bayard, 2012), véritable
éloge de la diversité, elle livre les contours d'un projet susceptible de
donner un élan à la société tout entière.
Le Point.fr : Vous êtes vous-même un exemple de l'école de "la
diversité". Que mettez-vous derrière ce terme et en quoi est-ce une chance
?
Marie-Rose Moro : Fille d'Espagnols, je suis arrivée en France, dans les Ardennes, à l'âge
de neuf mois. C'était dans les années 1960. Dans mon village, l'école primaire
ne comportait que deux classes, CP et CE1 d'un côté, CE2, CM1 et CM2 de
l'autre. J'ai eu beaucoup de chance. Le couple d'instituteurs qui s'occupait de
cette école a fait de la singularité des enfants d'origine étrangère de la
classe un atout et non un handicap. Même nous venions, pour la plupart, d'un
milieu socialement modeste, on nous a permis de croire que notre réussite nous
appartenait. Du coup, j'ai longtemps pensé que c'était le cas pour tous les
enfants de migrants. Or ce n'est que lorsque je suis devenue pédopsychiatre que
j'ai pris conscience que ce n'était pas si fréquent que ça et que mon
expérience de bonne élève devait servir d'exemple.
Comment expliquez-vous cette exception ? Est-ce une question d'époque ?
Je ne crois pas à l'idée largement partagée d'un âge d'or de l'école des
Trente Glorieuses qui accueillait merveilleusement les enfants de
l'immigration. Être enfant de migrant à l'école française n'a jamais été
facile. Les historiens des migrations, comme Gérard Noiriel, l'expliquent très
bien : comme une migration chasse l'autre, le bouc émissaire change en fonction
des arrivées. La seule chose, qui, je crois, a vraiment changé, c'est la
confiance dans les valeurs françaises. Quand j'ai grandi, dans les années
1970-1980, on partait du principe que les migrants désiraient apprendre la
langue et partager la culture française. Aujourd'hui, la France doute elle-même
de son attractivité, de ses capacités d'accueil. Or nos valeurs d'excellence
devraient toujours faire rêver en 2012.
N'avez-vous pas l'impression que l'on rejette la faute sur l'enfant alors
que c'est l'école elle-même qui n'a pas su s'adapter ?
Effectivement. On oublie trop souvent à quel point l'école de la IIIe
République était révolutionnaire et guidée par de grands rêves. Ce qu'on
pensait être une utopie a fini par se réaliser : l'école fabriquait de
l'ascension sociale. Un fils d'agriculteur pouvait devenir spécialiste
d'histoire de l'art. On aurait donc pu espérer que cette école évolue, qu'elle
s'adapte aux nouveaux enjeux, qu'il s'agisse de l'immigration, mais aussi de
l'adaptation numérique, de la multiplicité des savoirs... Malheureusement, la
France n'a pas été pionnière sur toutes ces questions et n'a pas su se
renouveler et aller de l'avant. La preuve, selon des études récentes, le
déterminisme social est plus important aujourd'hui qu'il y a 25 ans.
Vous citez l'historien Pap Ndiaye et sa notion d'identité cosmopolite.
Pourquoi a-t-on tant de mal en France à promouvoir cette idée ?
Cela fait un bien fou de voir l'identité multiple, mouvante, épaisse que
j'ai acquise enfin théorisée en France. C'est tellement anglo-saxon comme idée
! Finalement Edouard Glissant dit la même chose avec ses mots de poète : plus on accepte les
singularités, plus on accède à l'universel.
Comment expliquez-vous qu'on ne le fasse pas ? Le corps enseignant est-il
mal formé ?
D'une part, nous avons beaucoup trop de préjugés. Nous ne nous interrogeons
plus sur les méthodes, sur les corpus. Rien n'est jamais remis en question. Du
coup, le savoir est figé et le moindre changement provoque les foudres du corps
enseignant ou des parents. On part, par exemple, du principe qu'il est plus
simple pour un enfant d'apprendre une langue que deux. Or c'est complètement
faux. Surtout lorsque l'enfant évolue dans un milieu polyglotte. Le second
aspect, c'est bien sûr celui de la formation. Je pense qu'on ne peut pas se
contenter d'être formé à sa matière, mais il faudrait ajouter la pédagogie, la
psychologie et pourquoi pas des heures d'anthropologie. Non seulement on paie
mal nos enseignants, mais on les forme mal.
Quelles sont les conditions optimales pour promettre aux enfants issus de
l'immigration de réussir à l'école ?
Tout dépend du contexte. On ne peut pas proposer la même chose en France, en Angleterre, au Canada
ou encore aux États-Unis. Chaque pays a son histoire, ses difficultés et ses
solutions adaptées. Ce qui ne doit pas nous empêcher, évidemment, de regarder
ce qui se passe ailleurs et de procéder à des ajustements chez nous. Je crois à
un accueil sans condition, c'est-à-dire qui accepte la différence et qui a la
volonté de créer du lien. Edgar Morin disait récemment que si on avait tant de
mal à accueillir les migrants, c'est qu'on ne croit plus au lien social. Je
pense qu'il a parfaitement raison. Je ne suis d'ailleurs pas contre l'entraide
au sein même de la communauté. Ça ne nous choque pas pour les Asiatiques, alors
pourquoi les Maghrébins n'auraient-ils pas le droit de s'entraider ?
Ne confond-on pas solidarité et communautarisme ?
C'est ce que disait récemment Marcel Gauchet dans un article très
intéressant. Comment peut-on à la fois demander aux familles de se prendre en
charge et les empêcher de se tourner naturellement vers ceux qui parlent la
même langue qu'eux et partagent leur culture ? Cela n'a aucun sens. La deuxième
condition pour un bon accueil de ces enfants, c'est de tenir compte de leur
métissage. C'est une chance inouïe d'avoir dans une même classe des cultures
différentes, des enfants polyglottes. La France de demain, c'est eux.
Vous évoquez un islam qui cristallise les craintes. Comment
expliquez-vous que l'école soit l'un des révélateurs de cette xénophobie ?
Depuis quelques années, l'islam est en effet devenu un ennemi commun idéal,
voire la raison de tous nos maux. On l'a vu pendant l'affaire Merah, qui
continue aujourd'hui de déchaîner les passions, mais surtout avec les
événements du 11 Septembre. Et il est vrai que l'école continue d'entretenir
une discrimination implicite. Il n'y a qu'à lire la récente étude qui révèle
qu'il existerait un lien entre prénom et réussite au bac pour s'en assurer. Je
ne suis absolument pas étonnée de voir qu'une Madeleine ou un Côme ont plus de
chances d'avoir une mention que Mohamed ou Fatima. C'est une réalité qui est
connue de tous ceux qui s'occupent des enfants. Et, pire encore, des enfants
eux-mêmes. Et c'est de là que viennent les tensions.
Est-ce pour cette raison que vous préconisez la discrimination positive ?
Absolument. Et je n'ai pas peur de le dire. Bien sûr, il ne faut pas le
faire pendant cinquante ans, mais c'est une phase incontournable. Dans toutes
les classes d'excellence devraient être scolarisés des enfants de migrants ou
d'un niveau social moins favorisé.
Vous dénoncez la mobilité des enseignants. Pourquoi ?
J'ai travaillé des années en Seine-Saint-Denis, dans des écoles où les
enfants ont peut-être plus besoin de repères que les autres. Or c'est dans ces
établissements que la mobilité des enseignants et des directeurs est la plus
forte. Car ce sont des jeunes qui sont affectés dans ces quartiers, et à la
première occasion, ils prennent la poudre d'escampette. Parfois, les seuls à
rester quatre ans dans l'établissement sont les élèves. Cela crée un sentiment
terrible. D'insécurité d'abord, mais surtout ils ont l'impression qu'on les
fuit, qu'on les évite.
Qu'appelez-vous le "réenchantement" de l'école ?
Il faut juste changer les mentalités et se dire que la réussite de ces
enfants est possible. Retrouvons nos illusions, rêvons un peu... D'aucuns vous
diront que nous sommes en pleine crise et que ce n'est certainement pas le
moment, mais je ne suis pas d'accord. Le réenchantement du monde ne réussira
que par l'école. Il faut donc s'y mettre tout de suite.
Propos recueillis par Victoria Gairin
Rencontre avec Marie Rose Moro, article paru dans
Le Monde, le 23 juillet 2012.
Psychiatre,
psychanalyste, chef de service de la Maison des adolescents de Cochin (Maison
de Solenn) à Paris où elle a pris la
succession, en 2008, de Marcel Rufo, Marie Rose Moro est l'auteure, notamment,
des essais Les Ados expliqués à leurs parents (Bayard Jeunesse, 2010) et
Enfants de l'immigration, une chance pour l'école (Bayard jeunesse, 2012, 178
p., 18 euros). Elle explique pourquoi c'est auprès des adolescents et des
enfants de migrants qu'elle a choisi plus particulièrement de s'investir.
C'est lorsqu'elle a pris conscience, très jeune, que tous les enfants
n'avaient pas la chance de bénéficier d'un environnement aussi heureux qu'elle
pour grandir que Marie Rose Moro a eu
envie de consacrer sa vie aux petits. Après
des études de médecine et de
philosophie, menées parallèlement, elle se spécialise dans la psychiatrie
enfantine, auprès du psychanalyste Serge Lebovici.
Son intérêt pour les adolescents
s'est imposé plus tard. "Les bébés m'étaient amenés par leur mère ou
leur père, les enfants par leurs parents ou par l'école, mais les ados on ne
les voyait pas, alors que les blessures de l'adolescence ont des conséquences
importantes à l'âge adulte", raconte-t-elle. Elle s'y investit avec
la volonté de s'occuper à la fois du psychique et
du corps de ces jeunes en souffrance. Elle imagine, avec quelques autres
aventuriers, de nouvelles modalités et structures d'approche capables de prendre en charge les jeunes dans
toutes leurs dimensions, somatiques, psychologiques, scolaires, éducatives,
psychiatriques, en faisant travailler ensemble pédiatres et
pédopsychiatres.
"Il faut être entier"
Au fil des années, elle a vu
évoluer les maux des adolescents parallèlement aux transformations de la
société. "La manière dont ils expriment leur malaise est inscrite dans
la société", dit-elle. L'anorexie des prépubères et la phobie
scolaire sont notamment des formes de souffrance en progression. "Faire
de la recherche sur ces nouveaux maux, c'est s'engager aussi dans la société",
souligne la psychiatre-psychanalyste.
Elle apprécie l'exigence dont font
preuve ses jeunes patients : "Avec eux, il faut être entier, on ne
peut pas s'investir en se protégeant."
Sa détermination, elle la leur doit en partie, dit-elle : "Quand je ne
renonce pas à certains combats, je me dis que cela vient d'eux !"
Sa seconde bataille, c'est auprès
des enfants de migrants que cette fille d'immigrés espagnols, arrivée en France
en 1962, alors qu'elle avait à peine un an, la mène. "La diversité
culturelle fait du bien à toute la société, mais de nombreux préjugés
demeurent. La France a beaucoup à apprendre des pays anglo-saxons
quant à l'intégration des minorités."
A contre-courant de certaines
théories, elle a mené des travaux sur la réussite scolaire des enfants de
migrants et prône la valorisation de la langue maternelle "qui permet
à l'élève d'être plus à l'aise dans sa langue seconde". Elle
s'offusque de ce que "la diversité et le métissage soient encore
essentiellement vus comme des obstacles". Et dénonce avec énergie les
occasions manquées par l'école de faire des différences culturelles
autant d'atouts.
Sylvie Kerviel